Le sujet de l’eau étant plus que jamais au cœur de l’actualité de notre pays et de notre département, Cécile Cukierman sénatrice PCF de la Loire, a publiée une Tribune dans le Figarovox qui fait écho au rapport sénatorial qu’elle a rendu en novembre dernier sur ce sujet.
Pour la sénatrice PCF de la Loire Cécile Cukierman, le réchauffement climatique et les tensions à Sainte-Soline autour de la construction d’une méga-bassine mettent en lumière l’impérieuse nécessité d’un débat plus apaisé, plus rationnel et plus local sur nos ressources en eau.
L’eau est devenue une matière inflammable. Qu’il s’agisse de la raréfaction de la ressource, de ses usages, de ses modes de stockage, tout semble aujourd’hui électriser notre débat public.
Loin des violences, loin des «coups» politiques, la question hydrique mérite une réflexion commune plus partagée, plus apaisée aussi, au regard des enjeux qui se présenteront à nous dans ce siècle.
L’homme vole-t-il l’eau à la nature ? Je ne le crois aucunement. Il en garde quand elle tombe en abondance et la rend au milieu quand elle vient à manquer : des citernes de Jérusalem et de Constantinople à l’assèchement des marais par les moines en passant par l’irrigation des cisterciens à Royaumont, un bref regard sur l’histoire nous rappelle que c’est par la maîtrise de l’eau – et du feu – que l’homme s’est sédentarisé, faisant ainsi société, permettant les progrès.
Le réchauffement climatique doit-il modifier entièrement nos comportements ? Plus redoutable est cette fois-ci la question. Du fait du changement climatique, nous devons bien évidemment changer nos habitudes, mais nous devons toutefois garder cette capacité à gérer l’eau afin de la protéger, et ne pas en faire un enjeu de guerre comme le Jourdain l’est aujourd’hui. Le stockage de l’eau est consubstantiel à toute société humaine. Dans le même temps, les erreurs du XIXe siècle et surtout de la seconde moitié du XXe siècle ne peuvent plus servir de références.
Une troisième question surgit dans les débats qui, sous couvert d’évidences, masque mal des conséquences sociales et humaines dramatiques : nous faut-il opposer les usages de l’eau ? Agriculture, industrie, tourisme, la France a besoin de toutes ces activités.
Alors, oui, nous devrons consommer moins et autrement mais cela ne saurait constituer une réponse en soi. Il faut l’accompagner d’une relance des investissements dans les dispositifs scientifiques et industriels qui peuvent s’avérer d’une précieuse aide. Loin d’un catastrophisme humain, c’est le sens du rapport sénatorial co-écrit avec plusieurs collègues, d’horizons politiques divers.
Toutes les solutions doivent être envisagées, évaluées. Et si demain la neige de culture remplaçait la fonte des glaces pour réduire les périodes d’étiage des fleuves ? Et si demain les eaux traitées étaient réutilisées comme c’est le cas en Espagne ou en Israël ? Et si demain nous revenions à ce que l’homme a toujours fait, c’est-à-dire retenir l’eau quand elle est abondante pour l’utiliser quand elle est plus rare ?
L’eau peut également être destructrice : les épisodes dits cévenols vont se multiplier et s’accroître. Savoir aménager notre territoire et donc retenir cette eau avant qu’elle ne ravage habitations, routes et équipements sera indispensable. Les outils du métaverse demain nous y aideront. Les techniques actuelles permettent de créer des fleuves virtuels jumeaux, qui seront des outils à la décision citoyenne et politique essentiels.
La question des méga-bassines est aujourd’hui posée. Réglementairement elles ne peuvent se remplir qu’avec l’excédent de la nappe. Le débat faire rage, mais l’essentiel me semble oublié : si l’agriculteur a indéniablement besoin d’eau, est-ce à lui de financer cet outil ? En partie certainement, totalement non. Qui irait demander à une industrie, ou à une entreprise de transport de financer la demi-tranche de centrale nucléaire indispensable à
sa production en matière électrique ?
On ne vole pas plus l’eau avec une retenue colinéaire, qu’avec l’installation de petits récupérateurs d’eau dans chaque maison individuelle. Il en existe 16 millions en France, avec chacune un récupérateur de 500 litres. Si toutes les maisons étaient équipées, alors 8 000 millions de mètres cubes d’eau serait stockée, soit 8 milliards. Sommes-nous donc tous des irresponsables ?
Je ne le crois pas. Nous absorbons l’eau de la toiture, pour des usages futurs.
La France a besoin d’un réel débat sur l’eau, plus ouvert et apaisé. Et inévitablement plus local, soutenu par les élus de terrain et l’État territorial, afin de s’intégrer à la réalité des bassins de vie. Il est encore temps pour éviter, dans dix ans, la panne sèche.