Pierre Mazet (http://www.pierre-mazet42.com/) auteur de nombreux Polars et passionné d’Histoire nous présente des stéphanois dont parfois nous ignorons l’existence, ou pas….
Aujourd’hui : 12 juillet 1998 : La revanche de Jacquet.
On a tous en mémoire l’image d’Aimé Jacquet, rayonnant, brandissant la coupe du monde en 1998. Le visage était radieux, le sourire éclatant. Pourtant, il est probable, qu’au-delà de la joie, le sélectionneur éprouvait le sentiment d’une revanche étincelante. Car, c’est un homme blessé qui tient le trophée.
Le parcours accompli avait ressemblé, jusqu’à cet ultime moment, plus à un chemin de croix qu’à un sentier parsemé de roses. Cet itinéraire singulier mérite bien un petit retour en arrière. Aujourd’hui, Sail-sous-Couzan, où Aimé vit le jour en novembre 41, est presque aussi connu que le petit village des irascibles Gaulois. Enfant, il joue au club amateur de l’US Couzan.
Il fait partie de la dernière génération des footballeurs travailleurs : il alterne ses métiers d’ouvrier à l’usine et de footballeur. Devenu professionnel, il est titulaire au milieu de terrain avec les « Verts »sous la houlette de Jean Snella puis d’Albert Batteux qui vont marquer sa carrière de joueur.
Disciple consciencieux et appliqué de ces deux entraîneurs charismatiques du championnat de France, Aimé Jacquet joue un rôle de régulateur sur le terrain et se porte garant du bon équilibre du collectif des Stéphanois. Avec l’équipe de France, il ne connait que deux brèves sélections en 1968 sous l’ère Louis Dugauguez. Moins en vue lors de ces dernières années avec l’ASSE, il part en 1973 jouer chez le rival voisin : l’Olympique lyonnais.
Après deux saisons, il raccroche les crampons en 1975. Il démarre alors une carrière d’entraineur. Il prend la tête de la direction technique de l’Olympique lyonnais, pendant quatre ans. Puis répondant à l’appel du président Claude Bez, il devient l’entraîneur des Girondins de Bordeaux qu’il mène aux plus grands succès nationaux et internationaux.
Après neuf saisons, il est remercié et traverse une période délicate. Il accepte le 17 décembre 1993 de prendre les commandes d’une sélection française en crise qui a été incapable de se qualifier pour les coupes du monde de 1990 et 1994. Il réussit une campagne de qualifications pour l’Euro 1996 marquée par une série de trente matchs sans défaite (accompagnée du record 10 à 0 contre l’Azerbaïdjan).
Les Bleus échouent aux tirs aux buts de la demi-finale de l’Euro 1996 et entament la préparation pour la Coupe du monde 1998 qu’elle dispute à domicile. C’est à ce moment que les critiques vont s’abattre et elles ne sont pas tendres. Jacquet est moqué pour le style de jeu, pour ses choix.
Les matchs de préparation pour la Coupe du monde s’enchaînent et l’équipe de France peine à offrir un visage séduisant. Adepte d’un schéma tactique très défensif (voire « frileux » selon ses détracteurs), n’arrivant pas à créer une véritable animation offensive, la presse spécialisée (notamment le quotidien L’Équipe) ainsi que la presse généraliste commencent à critiquer le sélectionneur national avec virulence.
Jacquet se voit ainsi qualifié de « laborieux du ballon rond», de « tue-l’amour du rond central», de « tacticien fruste, parfois paléolithique ». L’homme est probablement blessé d’autant que certains ne se privent pas de moquer son accent du Forez. Et pourtant, il tient bon ! La Coupe du Monde démarre sur les chapeaux de roue pour les Bleus, victoire 3-0, pour une équipe de France qui va surfer sur la victoire jusqu’en finale.
C’est un autre paria médiatique, Christophe Dugarry, qui marque le premier but face aux Bafana Bafana, allant narguer la tribune de presse dans la célébration de son but. Jacquet enfonce le clou en conférence de presse : Je demande au public français de prendre confiance en son équipe, même s’il a été trompé par une certaine presse. Le parcours va se poursuivre jusqu’à l’apothéose du 12 juillet.
Zinédine Zidane, auteur d’un doublé mythique contre la Seleçao, devient, ce soir-là, une idole nationale. Mais cette victoire est aussi celle d’un homme tenace qui tenait à sa revanche, on pourrait presque dire la « revanche du prolo ».Le mérite d’Aimé Jacquet est donc d’avoir su créer un groupe en parfaite osmose, mélangeant des cadres atteignant l’apogée de leur carrière en 1998 et des jeunes à fort potentiel se fondant parfaitement dans le moule.
Jacquet a ainsi pris sa revanche de la meilleure manière qui soit : en remportant la coupe du monde. Allez Dédé, à toi de jouer !