Cette délibération n’est malheureusement pas une surprise. Un pouvoir fragilisé ne peut que se réfugier dans l’autoritarisme : en voici une nouvelle démonstration.
Vous ne cessez de prétendre que l’affaire du chantage révélée par Mediapart en août dernier est sans conséquence sur le fonctionnement de la mairie.
Et pourtant, aujourd’hui, vous démettez un adjoint qui ne s’est jamais désolidarisé de l’action de la majorité. Sa voix n’a jamais manqué que ce soit pour défendre votre budget ou pour tous les votes sur votre politique municipale.
C’est donc bien son positionnement quand aux faits qui vous sont reprochés, à vous, que vous sanctionnez aujourd’hui. Alors, évidemment, vous ne pouvez pas, vous ne pouvez plus, vous en prendre à Gilles Artigues. C’est donc sur son bras droit que vous faites tomber la foudre.
Lors du dernier conseil, vous aviez fait un parallèle avec l’affaire Dreyfus en citant la célèbre phrase d’Emile Zola : « La vérité est en marche et rien ne l’arrêtera plus ».
Votre « vérité » est tellement en marche, qu’elle ne cesse de fluctuer au gré des révélations qui viennent vous contredire à chaque fois. Ce n’est plus de la marche, c’est du slalom !
Aujourd’hui, c’est un tout autre épisode de l’affaire Dreyfus que vous mettez en scène : celui de la dégradation du Capitaine Dreyfus, lorsqu’il a été injustement accusé à la place d’un autre.
Vous « dégradez » Lionel Boucher parce qu’il a osé se tenir aux côtés de la principale victime de cette autre « affaire », celle qui secoue Saint-Etienne depuis de longs mois. Il est sanctionné pour avoir fait preuve de courage. Jean-Pierre Berger faisait mine de s’interroger lors d’un précédent conseil sur ce que ça veut dire le « courage ».
Jean Jaurès donnait une définition très claire de ce qu’est le courage en politique : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire, c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant ». C’est ce courage, que l’on devrait pourtant trouver chez tout élu de la République que vous punissez.
Dans le même mouvement, vous voulez éteindre une voix, issue de vos propres rangs, qui vous gêne dans votre tentative effrénée de réécrire l’histoire. Vous aviez bien tenté de bâillonner la presse, alors pourquoi pas un adjoint ?
Cet acte a encore une autre vertu, tout aussi perverse, c’est de rappeler aux autres membres de la majorité ce qui les attend s’ils osent sortir du rang. C’est tout simplement une nouvelle forme de chantage, à laquelle nous assistons en direct, à la mairie de Saint-Etienne.
Vous ne tirez donc aucune leçon de la situation actuelle quant à vos méthodes de gouvernance et de management.
« Chercher la vérité et la dire », c’est notre devoir en tant qu’élus de la République.
Les citoyens n’en peuvent plus du décalage entre le discours public et les faits qui est l’apanage de certains responsables politiques. Nous ne serons jamais de ceux-là, n’en déplaise à vos avocats.
Puisque nous en sommes réduits à dialoguer avec eux, que ce soit à travers les textes rédigés sous leur dictée que vous nous lisez, ou à travers leurs déclarations dans la presse, je voudrais répondre à votre avocat lyonnais qui nous a interpellés directement dans la presse locale.
Je n’irai pas sur le plan du droit, c’est son domaine. Mais je lui demanderai de ne pas venir sur le terrain démocratique, sur lequel il n’a aucune légitimité. Il pourrait aussi s’abstenir d’interpeller les Stéphanois sur le terrain footballistique.
En tant qu’élus, nous nous devons de défendre et de faire vivre un certain nombre de valeurs républicaines.
La présomption d’innocence est un principe fondamental dans un Etat de droit. Nous la défendrons toujours.
Ainsi, vous ne nous entendrez jamais vous reprocher d’avoir commandité le détournement de 40 000 euros d’argent public afin de financer les auteurs de la vidéo. Seule la Justice est à même de décider si vous êtes innocent ou pas sur ce point précis.
Mais il y a bien d’autres principes à défendre en République, Monsieur Perdriau, dommage que vous l’ayez oublié au bénéfice de votre défense personnelle. Il n’y a encore pas si longtemps que vous souteniez, comme nous, que l’éthique est au- dessus de la loi, elle nous rajoute des devoirs en plus de celui de tout citoyen.
Vous prôniez aussi une nécessaire exemplarité des responsables politiques, mais ça c’était avant que vous vous retrouviez vous-même mis en examen.
Les propos que vous avez tenus, dans l’exercice de vos fonctions de maire, dans les murs de la mairie, et que toute la France a désormais entendus, salissent non seulement votre personne, mais toute notre Ville, parce que vous en êtes le premier magistrat. Ces propos ne relèvent pas d’un jugement : ce sont des faits, que vous- même n’avez jamais contestés.
Nous voici donc tous enfermés, et apparemment durablement, dans une situation que vous avez créée. Vous seul avez les clés pour nous en sortir.
La délibération que vous soumettez aujourd’hui à notre suffrage ne nous amènera pas plus près du dénouement, bien au contraire.
En revanche, nous vous avons proposé une autre voie pour sortir de cette impasse.
Soumettez-vous au suffrage des Stéphanois, qui connaissent désormais une toute autre « vérité » que celle que vous leur aviez servie en 2020. Acceptez de déclencher le référendum local que nous vous avons proposé et demandez aux habitants de la Ville s’ils acceptent votre maintien à la tête de la mairie dans ces circonstances d’exception.
Tant que vous ne l’aurez pas fait, toutes vos décisions seront entachées du sceau de l’illégitimité.