Pierre Mazet (http://www.pierre-mazet42.com/) auteur de nombreux Polars et passionné d’Histoire nous présente des stéphanois ou des lieux de cette ville si sympathique.
Le patrimoine immobilier de Saint-Etienne a été fortement marqué par son passé industriel et administratif. Cependant les hôpitaux et hospices ont laissé également des traces de grande qualité dans le paysage stéphanois.
Un, en particulier est encore bien visible aux yeux du promeneur curieux : la Charité, dont l’entrée est située à l’extrémité de la place Chavanelle.
A l’origine, la Charité est conçue comme un hospice. Si l’hôpital accueille les malades pour les soigner, l’hospice recueille ceux dont la prise en charge n’est pas assurée par l’hôpital : les « pauvres » en difficultés sociales, physiques, morales ou psychologiques, vieillards, enfants abandonnés et incurables.
Dans un édit datant de 1862, Louis XIV invite les principales villes du royaume à se doter de ce genre d’établissements :
« Sa Majesté (il s’agit de Louis XIV) a invité les principales villes et notamment celle de Saint-Etienne à concourir à son désir pour l’établissement d’une maison de charité qui y était plus nécessaire et plus utile qu’en nulle autre, à cause des grandes fabriques de la soie et du fer qui s’y font, et dont les ouvriers et artisans désertaient journellement ou s’adonnaient à mendier, à l’oisiveté et fainéantise, par un vice contagieux qui se communiquait des uns aux autres. »
Le rigoureux hiver 1679-1680 fait s’abattre sur Saint-Étienne une situation de profonde misère. Afin d’endiguer la mendicité, les notables de la ville, et parmi eux le curé Guy Colombet, décident la création d’une « maison de charité et d’aumosne» en 1682. La première maison de Charité et d’aumônerie générale fut provisoirement installée dans la maison de Mlle Maisonnette, rue Tarentaise (abandonnée en 1694, détruite aujourd’hui), financée par les dons incités par les prêches et sermons du prêtre. Cent-vingt pauvres sont alors accueillis rue Tarentaise. La chapelle n’est qu’une simple pièce de l’immeuble.
En 1694, la Charité trop à l’étroit à Tarentaise s’installe dans le Pré des Minimes, à son emplacement actuel entre la rue Michelet et la rue de Valbenoite (aujourd’ui rue Pointe Cadet). La construction de trois corps de logis et d’une grande cour a lieu de 1690 à 1693 selon les plans du frère capucin André.
La construction d’une chapelle est envisagée en 1708, mais elle est retardée par le terrible hiver 1709.
Construite sur un plan rectangulaire et en grès houiller typique de Saint-Etienne, elle porte sur sa façade une très séduisante allégorie de la Charité : une femme qui tient dans ses bras un enfant tandis que deux autres s’accrochent à ses jupes, cernée de deux sortes de macarons sous lesquels sont inscrits les mots Caritas (Charité) et Orare (Prière). Elle est couronnée d’un clocheton carré surmonté d’un dôme d’ardoises.
Elle fut flanquée de deux bas-côtés en 1803 et inscrite à l’inventaire des Monuments historiques le 7 décembre 1979. Au XIXème siècle, devant l’accroissement rapide de la population, on décide la construction d’un vaste hôpital au Sud de la ville, ainsi que l’agrandissement de la Charité. Les bâtiments de l’Hôtel-Dieu, vétustes, sont détruits et l’architecte Léon Lamaizière construit deux bâtiments destinés aux enfants assistés et aux femmes incurables à l’angle de la rue Badouillère et de la rue Saint-Roch (actuelle rue Fougerolles). En 1929, trois nouveaux pavillons sont construits par les architectes Coste et Lasserre et inaugurés le 13 mai 1933. La façade est du style art- déco à la mode des années 30.
A l’intérieur, la salle d’administration est décorée de trois fresques (en réalité des toiles marouflées) classées en 1984. Elles sont l’œuvre du peintre Maurice Denis, fondateur des ateliers d’art sacré. L’artiste, choisi par une commission menée notamment par le père Couturier de Montbrison, mit trois années à les réaliser entre 1933 et 1936. Réalisées à Saint-Germain-en-Laye, elles furent inaugurées le 19 mars 1936. Ces toiles sont parmi les dernières de l'artiste. Les façades et toitures, la montée d’escalier, le palier du premier étage et la salle d’honneur de ce dernier sont inscrits à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques depuis 2002.