À l’initiative du président de la République et contributeur de l’Agenda 2030 du Forum économique mondial, Emmanuel Macron, Paris accueille du 8 au 10 novembre le One Planet – Polar Summit dont l’objectif est de partager les découvertes et les prévisions des experts sur la fonte des glaces et d’émettre des recommandations stratégiques pour la protection des régions polaires. Toutefois lorsque l’on analyse un peu les profils de certains acteurs de ce sommet, on se rend compte que les frontières public-privé sont complètement entremêlées ce qui devrait poser la question de conflits d’intérêts.
La France s’est dotée en 2022 de sa première Stratégie nationale polaire, une feuille de route qui ambitionne des changements structurels, politiques et financiers jusqu’en 2030. Elle faisait suite à la Stratégie arctique européenne édictée en octobre 2021 et à la guerre en Ukraine.
Celle-ci a provoqué la suspension de la quatrième réunion ministérielle de la science arctique du Conseil de l’Arctique, un forum intergouvernemental traitant des problèmes rencontrés par les gouvernements des États ayant une partie de leur territoire dans cet espace et par les peuples autochtones de la région, qui devait se tenir à Paris.
C’est dans ce contexte et dans le cadre de la Stratégie nationale polaire, qui s’est fixé un certain nombre d’objectifs à l’échelle internationale, que l’Élysée a décidé d’organiser le One Planet – Polar Summit, une initiative s’inscrivant dans la continuité des sommets One Planet, dont la première édition s’est déroulée à Paris en 2017.
Le One Planet – Polar Summit, se déroule dans le contexte plus large du Forum 2023 de Paris sur la Paix, dont le thème est « Construire ensemble dans un monde de rivalité ».
Il permettra d’installer un mouvement de coopération internationale sur l’étude, la prévention et l’adaptation face à l’érosion accélérée de la cryosphère, qui inclut les pôles (Arctique, Antarctique), les calottes glaciaires, le permafrost, où sont stockées des quantités massives de C02, et les glaciers.
Une grande conférence scientifique a commencé ce mercredi au Muséum d’Histoire naturelle et se terminera demain.
La paléoclimatologue, Valérie Masson-Delmotte, a souligné les avancées significatives dans l’étude de la cryosphère, tout en insistant sur le besoin vital de soutien pour poursuivre ces recherches essentielles. « Il est clair que nous avons besoin de soutien », a confirmé le paléoclimatologue et contributeur de l’Agenda 2030 du forum économique mondial, Jean Jouzel.
Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur de France pour les pôles et l’océan, qui a grandement contribué à la tenue de ce sommet a mis en lumière la vulnérabilité des régions polaires, insistant sur la nécessité d’une prise de conscience globale et d’un accès continu pour les scientifiques, afin de mieux comprendre les impacts du changement climatique.
Cette grande conférence débouchera sur le premier rapport international scientifique actualisé sur la cryosphère prise dans son ensemble, afin d’intensifier la recherche sur ce sujet, mieux protéger l’environnement dans ces espaces et lancer de nouvelles actions en matière d’adaptation au changement climatique, notamment à l’élévation du niveau de la mer. Elle sera en effet l’occasion de lancer une grande coalition de collectivités côtières solidaires face à l’élévation du niveau de la mer, co-pilotée par le maire de la ville de Nice et hôte de la Conférence Océan des Nations Unies en 2025, Christian Estrosi.
Des séquences, produisant également des rapports et des propositions rassembleront en outre des explorateurs et des gestionnaires des zones polaires et glaciaires, des ONG et des fondations qui œuvrent pour la sauvegarde de la cryosphère, ainsi que des délégués des peuples indigènes et des communautés locales.
Les ministres chargés de la recherche et de l’environnement se réuniront ce jeudi au Muséum pour souligner de nombreuses initiatives de coopération bilatérales ou plurilatérales. Ils lanceront également, avec le soutien de l’UNESCO et de l’Organisation météorologique mondiale, une autre agence onusienne, la décennie de la recherche polaire qui s’inscrit dans le cadre des Objectifs de Développement Durable 2030 des Nations unies influencées par le Forum économique mondial, un lobby composé des 1000 multinationales les plus riches au monde.
Le même jour aura lieu une projection du nouveau documentaire du réalisateur de La Marche de l’empereur, Luc Jacquet, intitulé Voyage au Pole Sud.
Les dirigeants d’une quarantaine de nations se rassembleront vendredi dans l’imposante Grande Galerie de l’Évolution du Muséum. Ils pourront entendre les constats et les projections de la communauté scientifique internationale sur la fonte des glaces, les recommandations d’acteurs de la société civile. À l’issue de cette réunion, Emmanuel Macron présentera à l’ensemble des acteurs du One Planet – Polar Summit, l’ »Appel de Paris pour les glaciers et les pôles », visant à structurer la coopération internationale autour de la science et la préservation de la cible des 1,5 °C quelques semaines avant la COP28.
Les conflits d’intérêts
Le One Planet – Polar Summit s’appuie sur un conseil scientifique qui compte deux contributeurs de l’Agenda 2030 du Forum économique mondial : le professeur de biologie à l’Université Monash en Australie et ancien président du Comité scientifique pour les recherches antarctiques (SCAR), Steven Chown et le spécialiste en glaciologie, climatologie, géographie, membre de l’Académie chinoise des sciences et ancien membre du GIEC, Dahe Qin.
Parmi les institutions membres de ce sommet ont peut compter quelques organisations affiliées au FEM, comme l’UNESCO ou l’ESA, mais également des institutions qui comptent des contributeurs du FEM dans leurs rangs, comme l’Alfred Wegener Institute, et son scientifique en chef, Michael Karcher, ou l’International Centre for Integrated Mountain Development, dirigé par Liu Jian, qui est également scientifique en chef pour les Nations unies.
Par ailleurs, à l’issue de la première journée du One Planet – Polar Summit, le milliardaire suédois Frederik Paulsen a lancé la fondation Albédo afin de soutenir des programmes scientifiques français ciblant la Cryosphère, en collaboration avec le CNRS. Celui-ci a été le président du conseil d’administration de Ferring Pharmaceutical de 1988 à consul général de la Russie à Lausanne de 2009 à 2022. Dans le cadre de cette fonction, il a effectué plusieurs voyages en Russie avec des élus politiques, comme le conseiller d’Etat Pascal Broulis et d’autres personnalités de Suisse romande, comme l’ex-directeur des publications romandes du groupe Tamedia et actuel président du conseil d’administration du Temps, Eric Hoesli. Selon Le Temps, lui-même « ils avaient défrayé la chronique quant à leur prise en charge financière et posé la question des conflits d’intérêt ». Paulsen avait d’ailleurs porté plainte contre Tamedia et son journal Tages-Anzeiger, qui avait rédigé des articles sur ces voyagesestimant qu’il avait été victime d’une campagne, de la part de ce média. Le tribunal de district de Zurich a rejeté la plainte du milliardaire suédois jugeant que ces articles ont traité de sujets politiques et économiques pour lesquels «il existe un intérêt public».
Par Grégory Fiori